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L’équipe marketing derrière le CH

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Photo : B. Bennett/Getty Images

P.K. Subban, Alex Gal­che­nyuk, Max Pacio­retty, Carey Price… Match après match, les prouesses des vedettes du Canadien de Montréal cap­tent l’attention, suscitent l’émotion… et mobilisent le Québec ! Le printemps dernier, 2,5 millions de Québécois ont regardé le match décisif de la série contre Boston, qui allait propulser les Glorieux à l’étape suivante : 6 Québécois sur 10 étaient devant la télé ce soir-là… Dans la victoire comme dans la défaite, les médias consa­crent des heures de programmation et des pages aux moindres faits et gestes de l’équipe. Le Québec vit au rythme du CH !

Le plus grand exploit de l’équipe est peut-être là : avoir tissé des liens indémaillables entre la Sainte-Flanelle et la population. Des liens que le grand talent de ses propriétaires monnaye en espèces sonnantes et trébuchantes.

Le Canadien est tellement populaire que Jean-François Dumas, président d’Influence Communication, l’exclut de son classement annuel des entreprises les plus médiatisées au Québec. Pour la même raison, il écarte Geoff Molson, président et copropriétaire de l’équipe, du classement des hommes d’affaires les plus cités dans les médias. Le Canadien est tellement fort qu’il accapare à lui seul 20 % de tout le volume de nouvelles, au Canada et aux États-Unis, qui touchent les 30 équipes de la Ligue nationale de hockey.

« Nous sommes ce que les anglophones appellent une legacy team, une équipe qui a obtenu au fil des ans un statut symbolique et patrimonial », dit Kevin Gilmore, vice-président exécutif et chef de l’exploitation du Club de hockey Canadien. Les 24 coupes Stanley, le caractère francophone de l’équipe au moment de sa fondation ont créé des liens émotifs extrêmement puissants. Des liens qui portent la valeur de l’équipe à un milliard de dollars américains, estime le magazine Forbes, ce qui en fait la troisième équipe parmi les plus valorisées du circuit malgré la petitesse relative de son marché.

« La grande force du Canadien, c’est son marketing », explique Michel Poitevin, directeur du Département de sciences économiques de l’Université de Montréal et spécialiste de l’économie du sport. « C’est le fun d’aller au Centre Bell et les spectateurs se sentent dans la partie, de la même façon que l’équipe est elle-même impliquée dans la collectivité », dit-il.

C’est cette émotion que met en marché Kevin Gilmore, et il en est très conscient. « Nous ne vendons pas du savon, dit-il, mais des moments, des expériences et une mémoire. »

Les propriétaires du Canadien de Montréal se trouvent dans une situation que pourraient envier tous les dirigeants d’entre­prise. Comment accroître davantage les revenus et les profits de l’orga­nisation quand le Centre Bell affiche complet depuis 2004, que tous les billets d’abonnement sont vendus, toutes les loges d’entreprise occupées et tous les espaces publicitaires, sur les bandes et sur la glace, accaparés ? Et qu’en plus les contrats de télévision sont signés pour 12 ans ?

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Photo : F. Lacasse/NHLI/Getty Images

Les revenus du CH pour 2013-2014 auraient été, toujours selon Forbes, de 187 millions de dollars américains, une hausse de 61 millions sur l’année précédente. Ses profits frôleraient les 60 millions, ce qui représenterait une jolie marge bénéficiaire de 32 %.

Le Canadien, une société privée, ne divulgue pas ses données financières. On peut néanmoins mesurer son extraordinaire succès.

Les 21 273 personnes qui remplissent le Centre Bell à chacune des 41 parties locales paient en moyenne 99 dollars par billet — au deuxième rang des plus onéreux après Toronto. Les meilleures places pendant les séries éliminatoires se vendent environ 450 dollars l’unité.

Le Groupe CH tire également de bons revenus de la location de loges. La Presse rapportait que la Caisse de dépôt et placement du Québec avait payé 228 500 dollars en 2011-2012 une loge pouvant accueillir une douzaine de personnes à chaque activité. L’amphithéâtre compte 134 de ces loges d’entreprise…

Au total, le magazine Forbes évalue les revenus au guichet de l’équipe à 79 millions de dollars américains. Somme à laquelle il faut ajouter les revenus des différentes concessions.

Les Desjardins, Sun Life ou Air Canada doivent débourser 113 500 dollars par année pour afficher leurs annonces pendant neuf minutes, à cha­que partie, sur le tableau indicateur qui surplombe la glace, 315 000 dol­lars par année sur les bandes du banc des punitions et un million sur la glace elle-même, révélait Le Journal de Montréal.

« Les entreprises achètent des espaces publicitaires en fonction de critères rigoureux et d’une analyse approfondie », explique François Descarie, président de Substance stratégies et l’un des stratèges marketing les plus reconnus au Québec. « Mais quand il s’agit de s’associer au Canadien, on quitte le monde de l’évaluation froide et objective tellement la marque est puissante et l’affection du public est grande. »

Le Canadien profite de l’explosion, cette année, du prix des contrats de télévision, que se partagent à parts égales les 30 équipes de la Ligue natio­nale de hockey. L’entente signée à la fin de 2013 par la ligue avec Rogers (propriétaire de L’actualité) et TVA pour les droits canadiens a été de 5,2 milliards sur 12 ans, soit trois fois plus annuellement que ce que payaient TSN-RDS et la CBC dans le contrat précédent. Et c’est plus du double de la somme déboursée par le réseau NBC aux États-Unis.

L’équipe engrange par ailleurs ses droits régionaux avec RDS : 68 millions de dollars cette saison (et ce sera ainsi pour les 11 prochaines). C’est plus du double de 2013-2014.

Le bureau de Kevin Gilmore, au septième étage du Centre Bell, témoigne du formidable succès commercial de l’équipe. C’est un véritable bazar où des chandails et autres souvenirs à l’effigie du CH occupent une grande partie de l’espace. La machine à café a été offerte par un commanditaire. Dans un coin trône un frigo rouge, couleur de la marque de bière Molson Canadian, identique à celui qui a fait sensation aux Jeux olympiques de Sotchi, en 2014 — sauf que la porte s’ouvre sans qu’on doive présenter son passeport canadien.

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«Faire croître les revenus d’une organisation qui n’a plus rien à vendre», telle est la mission de Kevin Gilmore, chef de l’exploitation du CH. – Photo : Christian Blais

Une seule organisation avait le pouvoir de ramener Kevin Gilmore au Québec après son exil californien de 23 ans. Quand le chasseur de têtes l’a joint en Californie, en 2011 — Gilmore était vice-président de la société propriétaire des Kings de Los Angeles —, le natif d’Arvida aurait refusé s’il s’était agi d’une autre équipe. « Je suis né “Canadien de Montréal”, [équipe] qui avait le statut d’une véritable religion dans ma famille », dit l’homme de 50 ans.

Kevin Gilmore est à la barre de l’autre grande machine du Canadien : celle du marketing. Le job de cette équipe : aider à « faire croître les revenus d’une organisation qui n’a plus rien à vendre », pour reprendre ses mots.

Le Club 1909 (clin d’œil à l’année de naissance de l’équipe), créé en novembre dernier, est un pur produit marketing, qui ouvre une nouvelle source de revenus pour l’équipe. Il permet aux commanditaires comme Ford de rayonner partout dans le monde virtuel, plutôt que d’être limité au territoire commercial de l’équipe — 75 km autour de Montréal, rayon au-delà duquel la ligue détient une exclusivité pour ses propres commanditaires.

À première vue, il s’agit d’un programme de fidélisation comme les autres. Le membre accumule des points à mesure qu’il achète des billets, des aliments ou des produits au Centre Bell. Vous avez peut-être déjà remarqué que les partisans « twitteurs » et « facebookeurs » de l’équipe travaillent fort pendant les parties. Cela paraît d’autant qu’ils sont plus de 2,2 millions sur les différentes plateformes. Un peu beaucoup parce que cela leur rapporte des points du Club 1909.

Les points accumulés donnent droit à des récompenses, comme être l’invité personnel de Geoff Molson ou voir son nom imprimé sur la glace du Centre Bell — dès la prochaine saison, pour tout partisan qui aura déboursé en cours d’année les 29,99 $ requis pour devenir membre Premium du Club 1909.

De la large fenêtre du bureau de Kevin Gilmore, qui ouvre une perspective à 180° sur le centre-ville de Montréal, nous avons une vue imprenable sur le chantier de construction de la Tour des Canadiens, juste en face. L’immeuble résidentiel et commercial de 50 étages devrait être terminé l’an prochain. Sur ses étages supé­rieurs, un immense logo de l’équipe rappellera aux visiteurs que le temple par excellence du sport national se trouve tout près.

Les 552 logements de la Tour des Canadiens, dans laquelle l’équipe a investi avec trois autres partenaires — dont le Fonds de solidarité de la FTQ —, sont vendus depuis longtemps. L’immeu­ble, comme tout ce qui touche l’organisation, est béni des dieux.

Le Canadien ne représente en fait qu’une division du Groupe CH, devenu un puissant acteur de l’industrie du divertissement au Canada.

En achetant le CH en 2009, les frères Molson sont en effet devenus propriétaires du Centre Bell et d’Evenko, le plus important producteur indépendant de spectacles au Canada et l’un des 10 leaders dans son domaine en Amérique du Nord.

« C’est un très beau modèle d’affaires », me confirme un acteur important de l’industrie du spectacle. Sa rentabilité serait exceptionnellement forte, parce que le groupe possède ses propres salles de spectacle, comme le Centre Bell et le Métropolis, et bientôt la Place Bell, en construction à Laval. Il en gère d’autres, comme L’Astral et le théâtre Corona Virgin Mobile. Là aussi, le Groupe CH a des liens privilégiés avec les commanditaires, contrôle ses concessions alimentaires et de produits dérivés, en plus de la vente de billets. L’entre­prise gère également des carrières d’artistes, dont celles des humoristes Philippe Bond, Sugar Sammy et François Morency.

En 2012, la publication américaine Pollstar, spécialisée dans les tournées de spectacles, classait le Centre Bell au cinquième rang en Amérique du Nord quant à la vente de billets pour des manifestations non sportives — il devançait même des lieux mythiques comme le Madison Square Garden, à New York, ou encore le Centre Air Canada, à Toronto (13e rang).

Evenko présente quelque 1 000 spectacles par année dans l’est du continent, la moitié mettant en vedette des artistes ou humoristes québécois. Elle organise les festivals Osheaga et Heavy Montréal. Et le Groupe CH a mis la main, à la fin de 2013, sur l’Équipe Spectra, instigatrice et organisatrice du Festival international de jazz, des Franco­Folies de Montréal et de Mont­réal en lumière.

Grâce aux festivals et aux spectacles, le Groupe CH a peut-être conquis le cœur des Montréalais, mais la popu­larité du Canadien dépasse les frontières du Québec. Le club est la franchise sportive la plus aimée au pays, deux fois plus populaire que les Maple Leafs de Toronto et les Canucks de Vancouver. Selon Kevin Gilmore, le Canadien aurait 10 millions de partisans dans le monde.

Des partisans qu’il veut fédérer grâce au Club 1909 pour faire du CH une des grandes marques du sport professionnel mondial, au même titre que le Manchester United (soccer britannique), les Yankees de New York (baseball) ou les Cowboys de Dallas (football américain).

#GoHabsGo!

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De l’amour à revendre

La cote d’amour du Canadien est tellement forte que l’équipe rallie jeunes et vieux, francophones et anglophones, Québécois et résidants des autres provinces. L’équipe a même sa propre téléréalité, 24 CH, diffusée sur RDS, Canal D et CTV Montréal. On y suit les joueurs sur la glace (littéralement), dans le vestiaire, à la maison…

Mange, prie, aime

Une petite soif, une petite fringale ? Au Centre Bell, il en coûte 11 $ pour une bière grand format et 4,50 $ pour un hot-dog.

1 milliard

La valeur du CH aurait atteint un milliard de dollars en novembre 2014, soit 225 millions de plus que l’année précédente, selon le magazine Forbes. Ce serait la troisième franchise de la LNH au chapitre de la richesse, après les Maple Leafs et les Rangers, un exploit remarqua­ble compte tenu de la taille du marché montréalais. Et une bonne affaire pour les frères Molson, qui auraient acheté l’équipe pour la somme de 575 millions de dollars américains en 2009.

Hockey, showbiz !

Le Groupe CH est aussi un puissant acteur de l’industrie du showbiz. Ses filiales présentent près de 1 000 spectacles par année, et organisent les festivals Osheaga et Heavy Montréal, le Festival international de jazz, les FrancoFolies de Montréal et Montréal en lumière.

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